20/02/2015

Entre le futur et le présent par Andros




Il y a sans doute quelque part dans les bibliothèques et sur le net des réflexions bien plus abouties que celle que je vous propose, à la limite entre la philosophie, la prédiction et la logique.

Le problème que nous allons tous rencontrer est celui d'un présent qui va devenir opaque et complexe, et comment le gérer face à ce que nous avons anticipé.
Les articles de presse sont des articles de fond. Ils se situent dans une optique très large, à la fois géographiquement et historiquement.


On nous propose des fourchettes à long terme
 Nous sommes obligés d'intégrer ces informations assez peu détaillées dans notre vision du
futur, c'est-à-dire un scénario prédéfini, qui en plus n'est pas vraiment personnel, car il ressemble en fait à un consensus des opinions de la communauté (peakiste, ou survivaliste, ou financière).

Ce scénario "générique" est nécessairement fantasmé, car on ne peut inclure les milliers de détails (surtout sociaux/personnels) de la réalité.

Le piège d'une réalité anticipée

D'après ce que j'ai lu dans "Deep Survival" de Lawrence Gonzales, ce que l'on imagine ou ce que l'on connaît de la réalité peut se transformer en piège lorsque les circonstances deviennent en fait exceptionnelles. Il cite en exemple un secouriste de montagne chevronné qui n'a pas su identifier une crue exceptionnelle car il se basait sur son expérience passée, où pareille crue n'existait pas, et il faillit en mourir.

C'est vrai pour nous aussi : nous nous attendons peut-être à un scénario précis, mais dans les milliers de détails de la réalité, il nous induira en erreur.

C'est pourquoi je préconise de voir le présent avec un œil toujours neuf. Il y a aura certainement une tendance lourde, un mouvement de fond, mais le fait de le connaître ne sera pas utile tout le temps loin s'en faut. On peut se douter que les classes populaires vont s'appauvrir considérablement, mais on est bien incapables de dire comment les gens qui en font partie vont réagir.

Concrètement, à partir de quel moment faudra-t-il se méfier de sa femme de ménage ? Sera-t-elle assez intelligente pour mériter la confiance de son employeur (et garder une source de revenus) ou bien vendra-t-elle les clefs du logement de celui-ci parce qu'elle aura besoin de nourriture ou d'argent immédiatement ?
Si la femme de ménage a piqué des trucs, on pourra toujours , au terme du raisonnement, incriminer le Peak Oil ou la Grande Dépression, mais ca sera de l'ordre de l'évidence, et ça ne servira pas vraiment. (PS je prends l'exemple de la femme de ménage pour illustration, non pas que j'en aie une...)

Une stratégie de l'information

A mon avis, cela ne fait pas de sens de privilégier la vigilance quotidienne (la psychologie) au détriment de la vision à long terme (l'analyse, la réflexion). Il faudra le maximum des deux. Pour prendre un exemple un peu débilosse, il faut pouvoir à la fois surveiller son jardin par crainte des voleurs, voir ce qui se passe en centre-ville(émeutes, réfugiés de la faim etc.) et écouter la radio (intentions du gouvernement, sécheresse record en Beauce etc.)

Il y a donc une stratégie de l'information et de la décision à développer.

Les militaires US, jamais à cours de concepts et d'acronymes, parlent volontiers de la "OODA Loop" http://en.wikipedia.org/wiki/OODA_Loop
En gros quatre phases :

  • Observer
  • Orienter
  • Décider
  • Agir
Tout cela est bel et bien logique, si on a des unités de renseignement et de reconnaissance , mais surtout, surtout si on sait que l'on est en guerre !
Or c'est là toute la difficulté de la chose, c'est que nous serons dans un environnement qui changera de nature, parfois rapidement, parfois sans logique apparente ni signes avant-coureurs. En gros, l'embuscade permanente.


Dans une situation d'embuscade, il n'est pas possible de passer du
temps dans les trois premières étapes, souvent on est amené à agir
immédiatement. Exemple, vous surprenez votre meilleur ami en train de
piquer les bijoux de votre épouse, pendant que sa famille occupe la
vôtre dans le salon. Peut-être peut-on comprendre ce qui est en train
de se passer, mais il faut cependant agir de suite (peut-être dans
l'espace de quelques secondes !).

(Nota : il ne s'agit pas ici avec les bijoux "que" de bouts de métal précieux, mais de monnaie d'échange pour le marché noir, qui peut

décider de la famine ou non des siens).

Il est très important de faire des plans et de suivre l'actualité, car

on doit se préparer au long terme et aux problèmes les plus

vraisemblables. Cependant, les préparations ne sont que le "best-case"

scénario : "au moins je pourrai me nourrir de cela, me chauffer tant

de temps" etc.

Le futur c'est aujourd'hui

Il est raisonnable de penser que la dégradation de la situation sera

répartie dans le temps ("Death by a thousand cuts"). Il y aura des

Grands Evènements qui marqueront des jalons dans le processus, mais ils

ne seront que l'aboutissement de l'appauvrissement et de la

fragilisation continuels. Les problèmes fondamentaux que nous

connaissons (le Peak Oil, la surpopulation mondiale, l'abêtissement,

ainsi que le krach comme aboutissement logique du capitalisme etc.)

vont dans une seule direction.

Un jour notre propre petite personne va être à la convergence de

facteurs qui vont la frapper directement, tout comme des familles de la

classe moyenne peuvent déjà être précipitées brutalement dans la

précarité. A mon avis, ce moment de convergence est inévitable pour à

peu près tout le monde.

Ce que je disais avec l'OODA Loop, c'est qu'on ne sait pas encore qu'on

est "en guerre". Il y a peu de temps encore, je me disais "en fait t'as

passé beaucoup de temps et d'énergie (et d'argent) à te préparer, mais

en fait concrètement rien ne t'est vraiment arrivé". Depuis que j'ai

reçu la facture de gaz et diverses autres factures "exceptionnelles",

en l'espace de peut-être un mois, j'ai changé de point de vue, vu que

ce que j'avais anticipé intellectuellement se matérialise concrètement

("The shit just got real", pour parler dans la belle langue de John McLane).

Je pense que cet été et cet automne, beaucoup de familles de la classe

moyenne vont ressentir ce moment. Il faut dès maintenant entrer dans

une phase de surveillance active, qui implique à la fois le très banal

(les voisins, la famille) et tous les niveaux jusqu'au très général

(Peak Oil, marchés boursiers etc.). Ce que j'appelle l'embuscade

permanente va bientôt commencer, donc planquez vos préparatifs et

cessez d'en parler... surtout à vos proches non familiaux.

Left field

Inconsciemment, la plupart des survivalistes prennent en compte le

problème de l'immédiateté en s'inventant un ennemi fantasmé (le Mutant

Zombie Biker étant le terme générique... !). Or il ne s'agit pas, dans

une vraie crise merdeuse, de dégommer des méchants anonymes à la

sulfateuse. Il s'agit de gérer les gens que l'on invite ou qui vivent

dans la maison d'à côté, de gérer les belles-familles, les pouvoirs

publics (Réquisition ! Ré allocation de ressources ! Vous devez héberger

deux familles de crève-la-faim !), la religion ("vous devez partager

sinon vous êtes le Diable") etc.

Comme disent certains de mes potes anglo-saxons, "it always comes from

left field", ca vient toujours du côté où on ne s'y attend pas. Que

faire lorsque ta femme décide que tu es une chiffe molle, et que non

seulement elle fréquente un autre, mais en plus que les deux veulent

s'emparer de ce que tu as ? Que faire lorsque le gamin terrorisé par

des gamins franchement criminels se met à trahir vos secrets, à piquer

des trucs pour eux ?

C'est pourquoi le simple fait d'anticiper n'est pas suffisant en soi,

même si c'est une étape nécessaire voire indispensable. Ce qui est

nécessaire c'est un certain caractère, et ce caractère se construit,

parfois en devant payer le prix fort. C'est la dureté de la vie qui

forge ce caractère. J'ai lu récemment un historique de la firme LIP, et

mon avis est que si la direction n'avait pas été si tyrannique (et si

obtue) les employés ne se seraient pas associés dans une lutte commune,

ils n'auraient pas compris que la solution de chacun était, au final, collective.

A mon avis, il faudra que les gens aient vécu la détresse pour vraiment

percevoir la nécessité de coopérer, de vivre en société - et de prendre

des décisions pénibles.

J'ai parlé ces derniers temps à des gens qui se rendent compte qu'ils

sont le jouet de personnes qui les manipulent, mais ils continuent à

les fréquenter, et en fait à s'impliquer encore plus dans ces

relations. Ils n'ont pas le courage de faire ce qui est bon pour eux,

et peut-être cela continuera-t-il pendant des décennies !

Il y a des gens incapables d'abstraction, pour lesquels l'anticipation

des risques et la préparation correspondante est impossible. Cela ne

les empêchera pas d'exploiter, de manipuler ou de piller les gens plus

prévoyants.

Cela peut fonctionner LONGTEMPS et on risque de ne pas pouvoir aider

les gens prévoyants qui se font parasiter de la sorte. Peut-être

ceux-ci vivront dans l'illusion qu'ils seront "chefs" du groupe alors

que toutes les décisions leurs seront imposées, parfois par la "force

des choses" (qui a bon dos, parfois...).

Ce serait bien pratique si les choses étaient binaires (la mort ou la

survie) mais dans notre expérience nous pouvons nous douter qu'il y

aura une myriade de situations personnelles complexes, contre

lesquelles il est bien difficile d'échafauder des stratégies ou de se

préparer. De fait, le fait même de s'être préparé devient un problème :

on est debout alors que tout le monde est à terre, forcément ça se

sait...

En plus, tout ceci n'est que la partie rationnelle, d'une certaine

manière "anticipable", de la chose. Nous devrons en outre être

confronté à des émotions fortes, comme le doute, le choc, la peur, le

manque de visibilité et d'informations, les sentiments. Comment

vivront-nous ces événements personnels :

- avoir battu son propre enfant, affamé, pour qu'il arrête de piller la

réserve de bouffe ? (lorsque seul le châtiment corporel semble marcher

désormais)

- avoir fait une grosse, grosse bêtise qui a compromis la survie ou la sûreté des siens ?

- avoir trahi la confiance de quelqu'un ?

- avoir mal estimé une évolution, une information ?


De l'histoire, nous pouvons avoir deviné que les crises changent les

gens. Il y a dans les pays en crise des processus de "mort

psychologique", où les gens s'adonnent à toutes sortes de comportements

auto-destructeurs (drogue, alcool, jeu, maladies vénériennes)

La force de caractère
De mon expérience personnelle, je constate que plus les gens ont connu
de difficultés dans leur vie, plus ils sont lucides, et ont ce qu'on
appelle "du caractère". La naïveté, l'ingénuïté sont fréquentes parmi
des gens pour lesquels tout va plus ou moins bien.

Dans la force de caractère, il y a un aspect "anti-social", dans la
mesure où on peut se comporter durement envers des gens au nom d'un
principe, qui peut être simplement moral (et donc dénué de tout aspect
pratique/concret/physique). Cet aspect mériterait en fait un topic à
lui tout seul...

C'est par l'expérience qu'on se forge un caractère. C'est un ensemble
de principes et de pratiques, c'est aussi une manière de voir le monde
(et les hominidés).

Or ce qui peut tremper un caractère peut le détruire, si tout vient
d'un coup. Dans mon histoire personnelle, mon caractère s'est construit
au prix de désillusions, la première étant sur l'éternité de la vie -
et l'inéluctabilité de la mort. De fait, on pourrait parler de maturité
au lieu de parler de "force de caractère". Dans nos sociétés, les gens
sont généralement très immatures (c'est un postulat, mais je crois que
vous voyez ce que je veux dire)

Une bonne préparation est donc d'abord d'acquérir de la maturité, et
pour cela de se confronter au monde. Je fais plus confiance aux
décroissants (au beurre ou nature, ouaf ouaf) en ce qui concerne la
maturité qu'aux "yuppie survivalists" qui vont se contenter d'accumuler
des préparatifs qui risquent ensuite d'être gâchés.


De tout cela, que retenir au final ?
- il faut se tenir informés à des niveaux multiples. Cela prend du temps, et le résultat n'est pas garanti.
- il faut être vigilant, car tout peut arriver à partir de cet été 2007.
- il faut s'attendre à de nombreuses et difficiles épreuves psychologiques
- la seule arme efficace dans l'immédiateté de toute situation soudaine
est la force de caractère, qui peut permettre d'agir ("Act")
spontanément si l'on n'a pas la possibilité d'examiner la situation ("O.O.D.")

Andros

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